Coupe du Monde VI/VII
Section 180, 1986.
Début Ponziani- C 44
Jean-Marc Yvinec (France)/Christoph Hochstein (Allemegne)
1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.c3
Le très ancien début Ponziani, une rareté dans la pratique actuelle. Les théoriciens en ont d’ailleurs une assez mauvaise opinion. :
« Par leur dernier coup les blancs préparent l’installation d’un fort centre de pions. Mais les inconvénients évidents du coup 3.c3 ne peuvent être exorcisés. » [Fine]
« Une préparation quelque peu lente de la poussée centrale d4 » [Tartakower]
« Ce dernier coup est critiquable ?la défense est facile pour les noirs » [Tarrasch]
« Le coup 3.c3 néglige sérieusement le développement et permet aux noirs dans de nombreuses variantes de s ?emparer de l’initiative. » [Pachman]
« Un début éteint. Le manque de menaces directes permet aux noirs d’égaliser de plusieurs façons. » [Walter Korn]
« Dès que nous avons effectué ce coup, nous en voyons les inconvénients. C ?est un coup sans autre menace que de permettre d2-d4 au coup suivant. Donc, cette préparation 3.c3 donne aux noirs un temps dont ils doivent profiter immédiatement. » [Znosko-Borovsky]
Bigre ! ! ! !
Devant de telles assertions comment peut-on encore jouer ce début ?
Les noirs doivent donc égaliser très facilement, mais avec qu’elle continuation 3...Cf6 ou 3..d5 ?
Fine, Pachman, Korn prônent 3..Cf6. Ce dernier ajoute : « 3..Cf6 permet d’égaliser et évite les lignes ultra-aiguës issues de 3..d5. » Pachman donne un point d’exclamation à 3 ?Cf6.
Tartakower et Znosko-Borovsky préfèrent 3...d5, Tartakower lui donnant même un point d’exclamation. Avec son expérience avec les noirs contre Ljubojevic (1975), Karpov donne pour sa part 3...d5 ? !
Znosko-Borovsky ajoute : « Nous pouvons déjà conclure que le coup 3.ç2-ç3 est franchement mauvais et que la riposte d7-d5 démolit complètement le début Ponziani. »
Bigre ! !?
Bigre ! ! ?
Afin de parfaire notre « bibliographie spéléologique », il convient de prendre connaissance des trois commentaires suivants :
« Il n’y aurait de danger pour eux (les noirs) que s’ils se croyaient sûrs de gagner après 3.c3. » [Tarrasch]
« A cause du verdict lié à 3...d5 qui semble avantageux pour les noirs, ce début à disparu des tournois. Cependant la Ponziani a connu une véritable renaissance dans les années soixante-dix. Reconnaissant que beaucoup de jugements portés sur ces variantes étaient issus d’analyses vieilles de plus d’un siècle, certains joueurs de classe mondiale l’ont mise à leur répertoire et lui ont insufflé de nouvelles idées. » [Smith et Ciamarra]
« Faut-il en conclure que les noirs ont déjà une partie gagnée après 1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.c3 ?
Loin de là. Généralement, sauf dans le cas d’une grosse erreur, il faudra toute une longue partie pour prouver la supériorité acquise et d’ailleurs, les noirs doivent souvent se considérer satisfaits quand ils égalisent et obtiennent une partie plus ou moins facile après avoir surmonte les difficultés que présente un bon début. » [Znosko-Borovsky]
3...d5 4.Da4
4.Fb5 semble intéressant mais la sortie de la dame passe pour la meilleure suite.
4..f6
Les noirs suivent les traces du grand Steinitz. Comme dans beaucoup de ses idées, des profondeurs stratégiques se cachent sous des aspects baroques, après avoir consolidé e5 et en avoir fait un « strong point » , au sens de Fine, les noirs veulent contrôler la colonne d et les cases centrales, le tout en faisant « exploser » le cavalier f3.
5.Fb5 Cge7 6.exd5 Dxd5 7.d4
Bogoljubov donnerait même un ! pour 7.d4.
7.O-O e4 ! 8.Ce1 Ff5 9.f3 =
7.d4 est donc censé éviter cette suite égalisante.
7....Fg4 8.Fc4
La suite recommandée par Smith et Ciamarra.
8...De4+
8...Da5 a posé pas mal de problème aux noirs dans Eales-Beliavsky, EU-ch U18, Groningen 1969/1970.
9.Fe3 Fxf3 10.Cd2 Fd1 !
Surprise ! !
Une sacrée amélioration sur la partie de référence que je suivais : Regan-Tamargo, USA 1976.
11.Rxd1 Dxg2 12.Rc2 exd4 13.Tag1 ! ?
Ce coup intermédiaire m’a semblé intéressant. Il permet au Roi blanc de se réfugier à l’aile dame sans bloquer la Tour a1.
13...Dh3 14.Fxd4
Ce n’est qu’à cet instant que j’ai compris que quelque chose clochait quelque part ! !
Après de nombreuses recherches 10...Fd1 ! s’est avéré être l’enfant d’un « monstre » du jeu par correspondance : le MI ICCF suédois Kjell Erick Krantz.
Bigre ! ! Bigre ! ! Matelot, la mer est mauvaise alors, serre les fesses ! !
Ok, d’abord ce Krantz, il est meilleur et en plus, il est plus fort ! C’est pas juste ! !
Reprenons notre calme et regardons sagement la position. Le pion de moins n’a pour le moment aucune espèce d’importance. La prise d’un pion (g2 ou b2) par la dame est toujours difficile à juger. d’autant plus que nous sommes en plein début, en plein début ouvert ! !
Si le capitaine noir ne s’appelait pas Krantz, j’aurais eu un commentaire plus incisif du genre : la stratégie noire me semble risquée. Leur aile Roi resta à développer et ouvrir le jeu face à une paire de fous me semble prématuré.
14...O-O-O
La phase débutale de la partie est achevée et il convient de faire le point de la situation :
Les noirs ont un pion de plus et un bon contrôle du centre (colonne d et case d5). l’aile roi resta à développer et le fou f8 ne semble pas disposer de bonnes cases.
Le développement blancs est quasiment terminé mais les pièces n’ont pas encore leur maximum d’efficacité (exemple : la Th1 devrait être en d1.) la position de Roi blanc est quelque peu flottante, la colonne d inconfortable et un pion manque à l’appel.
Oui mais voilà, les blancs peuvent immédiatement prendre en a7, rétablissement l’égalité matérielle.
15.Fxa4 Dd7 !
Surprise ! ! !
Les noirs appuient là où ça fait mal. Comment faire face aux menaces démentes que sont Dxd2+ et Cd4+ ?
16.Rb1 ! Dxd2 ? ?
Un coup catastrophique qui ruine la position noire. 16...Cd5 !
17.Fe6+ Td7 18.Td1
1-0
Il convient de se rappeler la remarque de Tarrasch : « Il n’y aurait de danger pour eux (les noirs) que s’ils se croyaient sûrs de gagner après 3.c3. »
Bien que fondamentalement logique cette ouverture reste peu jouée malgré les efforts de joueurs de très haut niveau tels que les GMI Velimirovic, Ljubojovic, Planninc, Miles et le double GMI (FIDE et ICCF) Hector.
Qui dit ouverture peu jouée, dit terrain vierge à défricher pour nous pauvres mortels. Soyons rassurés, si d’aussi bons joueurs « osent » la Ponziani, c’est que celle-ci est parfaitement correcte mais également que les chances de gain n’y sont nullement moindres que dans d’autres ouvertures.